Pierre Huyghe

Reléguant les strass et paillettes sur les standers des costumières d’Hollywood, la version imaginée par Pierre Huyghe de « Fenêtre sur cour » d’Alfred Hitchcock sacrifie à l’essentiel. Filmé en temps réel en filant les séquences dans l’ordre du «storyboard» d’origine, le «remake», s’il est fidèle aux plans et cadrages de l’oeuvre de base, n’en varie pas moins en ce que le lieu et les acteurs ont été changés. Ainsi débarassé de son auréole mythique (le lieu et ses protagonistes »oscarisés »), l’histoire renoue avec la banalité d’une situation profondément quotidienne.


De même Pierre Huyghe, en tant que prestateur de service, offre le ramonage d’une haute cheminée dijonnaise ou la maintenance temporaire des bacs fleuris de la Ville de Paris. Occupations anodines, que d’aucuns rangeraient dans le genre dit « vulgaire », il les documente pourtant et les reproduit sur des affiches placardées sur le lieu même où s’est déroulée l’action. A la manière du fruit mûr qui rencontre brutalement le sol qu’il contemplait jadis depuis sa branche, le passant devant les images de cette réalité « grossièrement » retransmise s’observe dans son rôle de spectateur urbain.

 

L’affiche, le film, la déambulation : le travail de Pierre Huyghe se situe dans le rapport qu’entretient le passant/spectateur avec son milieu naturel paradoxalement virtuel (puisque vécu à travers l’inflation des interfaces visuels). Au décalage de l’événement que le spectateur contemple avec un temps de retard semble correspondre une mise en doute de la réalité telle qu’elle est représentée. Réalisateur de cette « spectacularisation », Pierre Huyghe s’ébat dans une société qui semble bien avoir mis Guy Debord au pilon.

 

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